Protéines alimentaires

Hydrolyse et amertume

Fondamental

Pendant longtemps on a cru que l'amertume de certains fromages était le fait d'une mauvaise maîtrise technologique des procédés. L'amertume est concomitante de l'hydrolyse des protéines. On remarque que l'apparition de l'amertume dépend de nombreux facteurs que nous passerons en revue.

a- Paramètres intervenant sur l'expression de l'amertume

L'amertume va augmenter avec l'augmentation du taux d'hydrolyse pour atteindre un maximum et s'y maintenir.

Fondamental

On remarque qu'une protéine ne dégage que très rarement une amertume alors que ses peptides obtenus par protéolyse le sont très souvent dans la mesure où leur masse moléculaire est comprise entre 3000 et 6000 Da.

Voir tableau :

Hydrophobie moyenne de quelques protéines alimentaires

Cependant à partir de la β caséine on peut obtenir à partir de la séquence Pro 196 – Val 209 deux peptides dont l'un Arg 202 – Val 209 qui présente une amertume 250 fois supérieure à celle de la caféine de même que les peptides Pro 61 – Pro 67 et Tyr 60 – Ile 66.

Fondamental

L'amertume va dépendre de l'origine de l'enzyme.

Une protéase d'origine animale donne une amertume supérieure à celle obtenue par l'utilisation de protéase issue de micro-organisme. Les protéases qui produisent le moins de peptides amers sont celles d'origine végétale.

Fondamental

L'amertume est liée à la présence et à l'abondance des acides aminés hydrophobes.

Il est possible de déterminer si un protéolysat sera amer ou non en étudiant la composition de ces peptides. Il existe une règle simple qui permet de prédire cette caractéristique en se référant à la règle de Ney qui calcule le caractère hydrophobe moyen d'un résidu d'acide aminé pour la molécule considérée selon la relation suivante :

ΔG° moyen = Somme des ΔG° de chaque acide aminé / n

où n représente le nombre d'acides aminés de la molécule.

Les observations ont montré que lorsque le ΔG° moyen était inférieur à 5,5 kJ/mole le produit n'était pas amer par contre quand le ΔG° moyen était supérieur à 5,8 kJ/mole il y avait amertume. Cette règle n'est pas toujours vérifiée car l'amertume va dépendre de la position des acides aminés au sein de la structure. L'amertume augmente quand un résidu de proline se trouve au centre géométrique de la molécule. Elle augmente aussi quand un acide aminé hydrophobe se situe au voisinage du N et du C-terminal. Si l'acide aminé hydrophobe se trouve être le N ou le C-terminal il y a diminution de l'amertume (l'acide aminé hydrophobe devient plus hydrophile par révélation d'un groupement ionisable) ainsi Leu – Leu – Gly est plus amer que Leu – Leu. La valine présente un fort caractère amer surtout quand elle est associée à des acides aminés hydrophobe comme Phé, Leu, Ile et quelque soit son positionnement. Les peptides Gly – Val et Gly – Gly – Val sont amers alors que les structures Val – Gly et Val – Gly – Gly présentent un caractère umami et que Val – Val – Gly est sans saveur. Les séquences Gly – Gly diminuent l'amertume des peptides.

L'amertume est d'autant plus marquée que la chaîne latérale de l'acide aminé possède au moins trois atomes de carbone et que la substitution se fait en position béta par rapport à un positionnement en gamma. Ainsi la norleucine présente une hydrophobie quatre fois plus faible que celle exprimée par la leucine et cinq fois plus faible que celle de l'isoleucine.

Fondamental

L'amertume va dépendre de la conformation de l'acide aminé.

Un acide aminé de la série D intégré dans une séquence va diminuer l'amertume.

b- Procédés permettant de diminuer l'amertume des hydrolysats

Remarque

Pour masquer le goût amer des protéolysats on peut rajouter des édulcorants, du sel, du glutamate à la condition que ce soit du polyglutamate (avec un degré de polymérisation compris entre 2 et 3), du sulfate de calcium, des polyphosphates ou de la gélatine.

On peut encore effectuer un traitement qui permettra d'éliminer ces peptides amers. En se référant au caractère hydrophobe des acides aminés on peut purifier les protéolysats en fixant sélectivement les peptides hydrophobes sur un support de charbon actif. Les acides aminés les plus hydrophiles ne vont pas être retenus sur le support (et seront récupérer dans l'éluat) alors que les hydrophobes le seront. Il suffit par la suite de désorber les peptides hydrophobes du support à charbon actif à l'aide d'un éluant acide. Après trypsinolyse de caséine on récupère des peptides de 6 à 12 résidus d'acides aminés qui présentent une amertume importante. Les hydrolysats sont désamérisés sur charbon et le matériel récupéré par un traitement à l'acide présente comme particularité de développer des arômes de viande.

Méthode

Pour diminuer l'amertume, on pourra essayer de maîtriser le taux d'hydrolyse comme on pourra utiliser les propriétés de réversion des protéases. Les hydrolases dont le rôle est d'effectuer des coupures de liaison en excès d'eau sont susceptibles quand les conditions du milieu changent d'effectuer des réactions de condensation à partir des produits obtenus. Dans le cas des protéases on mettra à profit les réactions de transpeptidation qui donnent une sorte de gel plastique où l'amertume aura disparu. Cette réaction consiste en un transfert d'un acyldérivé de peptide accroché à l'enzyme (après la réaction d'hydrolyse) sur un dérivé de type nucléophile qui au lieu d'être l'eau est un groupement nucléophile comme les groupements aminés des protéines ou des peptides. Cette réaction s'appelle la « plastéine ». Pour que cette réaction puisse s'effectuer il faut :

  • que les substrats issus de la protéolyse soient de faible masse moléculaire renfermant 5 à 6 résidus d'acides aminés. Lors de protéolyse de protéines laitières ont obtient des peptides de l'ordre de 1000 Da qui donneront une plastéine à 3000 Da,

  • que la concentration de ces peptides dans l'hydrolysat soit importante de l'ordre de 20 à 40% (diminution de la réactivité de l'eau),

  • que le pH de la réaction soit différent du pH optimum d'activité de l'enzyme utilisée, il est généralement compris entre pH 4 et 7 (pepsine utilisée à pH 4,5 au lieu de pH 1,6 ; trypsine utilisée entre pH 5,5 et 6,5 au lieu de pH 8).

Au cours de la réaction de transpeptidation il n'y a pas apparition d'acides aminés libres et il n'y a pas obligatoirement augmentation de la taille des peptides. Il peut se produire des réorganisations de substrat avec augmentation d'acides aminés hydrophobes qui peuvent entraîner des interactions hydrophobes peptides-peptides favorisant la formation de gel.

Méthode

Pour diminuer l'amertume il est possible d'utiliser des aminopeptidases ou des carboxypeptidases. Ces enzymes vont respectivement hydrolyser par récurrence les acides aminés à partir de l'extrémité N-terminal et C-terminal. L'hydrolyse permet d'éliminer les acides aminés hydrophobes au niveau des extrémités N et C-terminal. Leur action est limitée.

Nous pouvons, pour illustrer cet exemple, envisager un hydrolysat de caséine à 1% dont le ΔH% est de 5% qui présente une amertume équivalente à 1700 ppm de caféine (le seuil de détection moyen de la caféine se situe aux environs de 200 ppm). La désamérisation sera effectuée par le biais des enzymes suivantes :

  • aminopeptidase de Lactococcus lactis

  • aminopeptidase de Aspergillus oryzae

  • carboxypeptidase A et B du pancréas de bœuf

Dans le cas de l'aminopeptidase de Lactococcus lactis on remarque qu'après 6 heures d'action l'amertume est passée de 1700 ppm au seuil de non détection de l'amertume et que cette action s'est traduite par une augmentation de ΔH% qui passe de 5% à 12%.

Dans le cas de l'aminopeptidase de Aspergillus oryzae après 6 heures d'hydrolyse, l'amertume est encore au voisinage de 600 ppm et le taux d'hydrolyse est passé de 5% à 20%.

Dans le cas de la carboxypeptidase, dans les mêmes conditions l'amertume est au voisinage de 800 ppm et le taux d'hydrolyse est passé de 5% à 40%.

On peut remarquer l'extrême diversité des réponses à l'action de ces enzymes. Cette diversité dépend de l'origine de l'enzyme et de sa spécificité.

L'aminopeptidase de Lactococcus lactis présente une spécificité plus importante vis-à-vis de la phénylalanine par rapport à la lysine et à l'arginine (activité relative : respectivement 123, 100, 47). Cette enzyme va avoir un comportement différent vis-à-vis du dipeptide qui se trouve en position N-terminal : la réactivité est plus importante sur un Gly – Pro que sur un Arg – Pro ou Val – Ala (activité relative : respectivement : 100, 80, 6).

L'aminopeptidase de Aspergillus oryzae présente une spécificité plus importante pour la leucine par rapport à la lysine et à la phénylalanine (activité relative : respectivement 650, 30, 18).

La caboxypeptidase A présente une affinité plus importante vis-à-vis de la leucine, l'isoleucine et la phénylalanine. La carboxypeptidase B est plus spécifique de la lysine et de l'arginine.

Les aminopeptidases sont utilisées régulièrement pour désamériser des hydrolysats de caséine ou de protéines du lactosérum et entraîne d'une façon générale un doublement des taux d'hydrolyse. Les enzymes sont inactivées par traitement thermique. Ces aminopepetidases sont aussi utilisées dans les procédés d'obtention d'extraits de viande ou de volaille pour aromatiser les soupes ou les préparations à base de viande.

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