Produits de Maillard et mutagénicité
Généralités
Le développement de méthodes simples permettant de mettre en évidence le pouvoir mutagène de certaines substances a permis de caractériser de plus en plus de produits possédant cet effet et surtout dans les produits alimentaires.
La méthode la plus utilisée aujourd'hui est le test de Ames qui détermine les mutations géniques. Ce test est basé sur l'utilisation de souches bactériennes hypersensibles aux mutagènes et donc aux cancérigènes. Il consiste à examiner si un agent chimique est capable d'induire une mutation sur un des gènes d'une souche de Salmonella typhimurium. La bactérie est porteuse d'une mutation la rendant incapable de pousser sur un milieu sans histidine (his-). Si le composé chimique testé possède un effet mutagène, il induit une réversion de cette mutation et donne à la bactérie la possibilité de se développer sur le milieu sans histidine (his+). Les souches utilisées possèdent des mutations His- différentes pour tester des agents mutagènes variés. TA98 est la plus efficace pour une étude globale de la mutagénécité, TA100 est plus sensible mais possède un taux de révertants spontanés plus élevé. De même, en utilisant la souche TA1978 en combinaison avec TA1358, on obtient un test basé sur l'endommagement/réparation de l'ADN permettant de savoir si le composé agit en endommageant l'ADN. Afin de tester aussi l'effet des dérivés métaboliques du composé chimique, on ajoute au milieu de culture un homogénat de foie de rat. En effet, la grande majorité des produits pénétrant dans un organisme humain sont détoxifiés afin d'être rapidement éliminés. Les systèmes enzymatiques qui interviennent dans ces réactions se situent principalement au niveau du foie et exigent des cofacteurs (oxygène et NADPH). Ils sont aussi inductibles. Dans le test de Ames, ce métabolisme est mimé en mélangeant cet homogénat avec les bactéries et les cofacteurs nécessaires.
Grâce à ce test, il est possible de comparer les résultats obtenus au cours de nombreuses études réalisées sur des cancérigènes connus comme l'aflatoxine B1 et le Benzo[a]pyrène.
Dans l'alimentation les mutagènes les plus connus et les mieux étudiés sont les nitrosamines. De récents travaux ont montré que des viandes grillées ou du poisson grillé renfermaient des produits de pyrolyse qui étaient mutagènes. Encore fallait il savoir quels étaient les produits à mettre en cause tout en sachant que les pyrolysats d'ADN, d'ARN, d'amidon ou de cellulose ne sont pas mutagènes alors que les pyrolysats de protéines et surtout du tryptophane sont très mutagènes.
Définition :
La formation de ces produits est maximale à partir de 300°C mais se réalise aussi à des températures inférieures (de l'ordre de 130°C et en aw faible) rencontrées dans une banale cuisine pour la réalisation de grillade ou de friture. La concentration de ces produits augmente quand on ajoute des fonctions carbonylées au produit avant la cuisson.
De nombreux composés dicarbonylés sont issus de la réaction de Maillard. Le test de Ames a montré que le diacétylglyoxal, le glyoxal et le maltol sont mutagènes pour TA98 et TA100 avec ou sans activation. Le méthylglyoxal, le glycéraldéhyde, le dihydroxyacétone et l'acide glyoxalique sont, eux, mutagènes pour TA100 sans activation S-9.
Explication
Les furanes produits par la réaction de Maillard sont relativement peu mutagènes. On peut mettre en évidence que le furfural, le 5-méthyl furfural et le 5 hydroxyméthyl furfural sont mutagènes pour TA100 avec activation et qu'en présence de Cu2+, il peut y avoir clivage de l'ADN. C'est le 5 hydroxyméthyl fufural qui est le plus réactif.
Les pyrroles ne semblent pas avoir de propriétés mutagènes. Le 1,4-dithiane est faiblement mutagène, mais le 1,3-dithiane présente une forte activité équivalente à celle du 5 hydroxyméthyl fufural, cependant il ne semble pas être cancérigène.
Les thiazolidines et N-nitrosothiazolidines apparaissent avec les acides aminés contenant du soufre. Ils sont faiblement mutagènes et cette activité dépend du radical alkyl. Les dérivés nitroso des thiazolidines sont beaucoup plus réactifs que leurs équivalents non N-nitroso substitués. Ceux-ci se retrouvent dans les aliments riches en nitrite, notamment les viandes salées comme le bacon et le jambon.
Les dérivés imidazoles et nitroimidazoles sont mutagènes.
Les pyrazines ne sont pas mutagène pour S. typhimurium mais le sont pour Saccharomyces cerevisiae.
Les amines hétérocycliques qu'on caractérise à la surface des viandes grillées ou des poissons grillés ont un pouvoir mutagène élevé. Ces amines hétérocycliques peuvent être cancérigènes quand elles se retrouvent en présence de N-acétyltransférases ou encore de cytochrome P450. Il existe deux groupes d'amine hétérocycliques l'un regroupant des dérivés provenant de l'interaction de la créatinine avec des produits de la réaction de Maillard (imidazoquinolines, les imidazoquinoxalines) l'autre les carbolines résultant de la dégradation thermique de certains acides aminés (tryptophane, lysine, phénylalanine, l'ornithine, l'acide glutamique). Leur quantité dépend du type de viande et du mode de cuisson. Dans le cas des imidazolquinolines et des imidazoquinoxalines, la réaction s'effectue en deux temps. Dans un premier temps il y a déshydratation et cyclisation de la créatine en créatinine en même temps que la fabrication des produits de la réaction de Maillard à partir du glucose (glycogène) et des acides aminés musculaires. Dans un deuxième temps les produits de la réaction de Maillard vont réagir avec la créatinine pour donner les composés mutagènes.
Voit tableau :
Explication
On a cependant observé que, paradoxalement, les produits de la réaction de Maillard pouvaient avoir un effet anti-mutagène. Les structures furaniques (furane, 2-méthylfurane, 2-acétylfurane, 2-hydroxyméthylfurane) et les furfurals (5-méthyl furfural, 5 hydroxyméthyl furfural) inhibent les actions mutagènes de certaines amines hétérocycliques. Cette observation a été réalisée dans le cadre d'un traitement avec la viande de porc dont les taux de produits mutagènes avaient été augmentés (facteur variant de 1,2 à 3) par l'addition de tétrahydrothiophène ou de 2,3 diméthylpyrazine ou encore de 3 méthylpyridine. L'addition de 2-acétylpyrrole inhibe la production de produits mutagènes. Les mélanoïdines présentent une action anti-mutagène vis-à-vis des amines hétérocycliques (Trp-p-1, Trp-p-2, Glu-p-1, Glu-p-2, IQ). Les mélanoïdines, par contre, n'inhibent pas les enzymes d'activation. Les mélanoïdines, quand elles sont absorbées sont retrouvées, pour une petite partie, associées aux protéines plasmatiques. Cette association conserve les mêmes propriétés anti-mutagènes. Les mélanoïdines sont décrites comme inhibant la formation de nitrosamines cancérogènes